Ma grand-mère habitait à Sarajevo, près de l'endroit où l'archiduc François-Ferdinand a été assassiné en juin 1914, événement considéré comme déclencheur de la Première Guerre mondiale.
À la fin de la Seconde, en mai 1945, on la retrouve à Berlin, au milieu des décombres, entourée de ses enfants.
Ces deux anecdotes sont le fondement d'une quête qui retrace presque deux siècles et demi d'une chronique à la fois familiale et historique, mettant en scène six générations d'une famille. Balayant une Mitteleuropa en perpétuelle évolution, ce roman tâche de rendre hommage à ceux dont l'histoire n'a pas retenu les noms, mais qu'elle a tout de même embarqués dans ses bouleversements. Et, en ces temps où la situation des migrants n'a jamais été aussi controversée, il a aussi pour volonté de remettre dans nos coeurs les péripéties modestes et singulières de nos origines.
T. B.
«Il est une chose admirable qui surpasse toujours la connaissance, l'intelligence, et même le génie, c'est l'incompréhension.»En juin 2021, un événement insensé bouleverse les vies de centaines d'hommes et de femmes, tous passagers d'un vol Paris-New York. Parmi eux:Blake, père de famille respectable et néanmoins tueur à gages; Slimboy, pop star nigériane, las de vivre dans le mensonge; Joanna, redoutable avocate rattrapée par ses failles; ou encore Victor Miesel, écrivain confidentiel soudain devenu culte.Tous croyaient avoir une vie secrète. Nul n'imaginait à quel point c'était vrai.Roman virtuose où la logique rencontre le magique, L'anomalie explore cette part de nous-mêmes qui nous échappe.
«Sans me vanter, je suis exceptionnellement doué pour faire d'une vie qui aurait tout pour être heureuse un véritable enfer.»Janvier 2015, Emmanuel Carrère rejoint un stage intensif de méditation. Son but:écrire un petit livre souriant et subtil sur le yoga. Mais son projet est bouleversé lorsqu'il est diagnostiqué bipolaire de type II. S'ensuivent une lourde dépression, une aventure passionnelle, un séjour en hôpital psychiatrique, des attentats, des deuils et un atelier d'écriture sur une île grecque. Par une écriture sublimée, Emmanuel Carrère nous transporte dans son intimité la plus profonde et sa quête d'unité perdue.
Tout part d'une photo en noir et blanc jauni, carte postale retrouvée au fond d'une boîte à chaussures. Comme le souvenir d'une autre époque, on y devine l'histoire de Khadidja la mauresque, et à travers elle celle des oubliées du Bousbir, quartier fortifié de Casablanca réservé à la prostitution. Dans ce court roman à la langue ardente, Valentine Goby rend hommage à toutes ces femmes au corps surexposé mais à la mémoire oubliée, face au temps qui passe, face à la censure islamiste, face au patriarcat.
Retraçant les vies passées et présentes des habitants d'un immeuble du Xe arrondissement de Paris, Ruth Zylberman livre un magnifique récit. Là se sont succédé, depuis les années 1850 jusqu'à nos jours, des générations d'habitants. Là, l'ordinaire du quotidien a côtoyé l'extraordinaire du fait divers et des violences de l'Histoire. Ruth Zylberman propose une réflexion bouleversante sur les traces du passé, les lieux où se loge la mémoire, et le lien invisible entre les vivants et les morts. Car cette autobiographie d'un immeuble est aussi une forme d'écriture de soi.
Il y a d'un côté le colosse unijambiste et alcoolique, et tout ce qui va avec : violence conjugale, comportement irrationnel, tragicomédie du quotidien, un « gros déglingo », dit sa fille, la narratrice, un vrai punk avant l'heure. Il y a de l'autre le lecteur autodidacte de spiritualité orientale, à la sensibilité artistique empêchée, déposant chaque soir un tendre baiser sur le portrait pixellisé de feu son épouse. Mon père, dit sa fille, qu'elle seule semble voir sous les apparences du premier. Il y a enfin une maison, à Carrières-sous- Poissy et un monde anciennement rural et ouvrier.
De cette maison, il va bien falloir faire quelque chose à la mort de ce Janus, gaillard fragile à double face.
Capharnaüm invraisemblable, caverne d'Ali-Baba, la maison délabrée devient un réseau infini de signes et de souvenirs pour sa fille qui décide de trier méthodiquement ses affaires. Comment déceler une cohérence dans ce chaos ? Que disent d'un père ces recueils de haïkus, auxquels des feuilles d'érable ou de papier hygiénique font office de marque-page ?
Et puis, un jour, comme venue du passé et parlant d'outre-tombe, une lettre arrive, qui dit toute la vérité sur ce père aimé auquel, malgré la distance sociale, sa fille ressemble tant.
Reno (Nevada), 4 juillet 1910.
Jack Johnson est un boxeur d'exception. Avant lui, la catégorie des poids lourds, était interdite aux hommes de couleur. En 1908, il devient le premier Noir champion du monde de boxe dans cette catégorie. Johnson utilise cette victoire pour revendiquer sa couleur de peau.
En 1910, l'ancien champion invaincu des poids lourds James Jeffries décide de reprendre ses gants dans le seul but de prouver qu'un homme blanc est supérieur à tout autre. Il est alors soutenu par tous les Blancs américains et par tous les médias.
Le combat annoncé devient un acte politique...
Juillet 1937, Sussex. Dans la propriété de Home Place, la Duche, affairée avec ses domestiques, prépare l'arrivée de la famille au grand complet:ses trois fils, Hugh, Edward et Rupert Cazalet, sont en chemin depuis Londres avec épouses, enfants et gouvernantes. Entre pique-niques sur la plage et soirées auprès du gramophone, les intrigues familiales se succèdent. Aux préoccupations des adultes font écho les inquiétudes des enfants, et à la résilience des femmes répond la toute-puissance - ou l'impuissance - des hommes. L'été regorge d'incertitudes mais, sans l'ombre d'un doute, une nouvelle guerre approche...
« Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant » : ainsi commence La Petite Lumière. C'est le récit d'un isolement, d'un dégagement mais aussi d'une immersion. Le lecteur, pris dans l'imminence d'une tempête annoncée mais qui tarde à venir, reste suspendu comme par enchantement parmi les éléments déchaînés du paysage qui s'offrent comme le symptôme des maux les plus déchirants de notre monde au moment de sa disparition possible.
L'espace fait signe par cette petite lumière que le narrateur perçoit tous les soirs et dont il décide d'aller chercher la source. Il part en quête de cette lueur et trouve, au terme d'un voyage dans une forêt animée, une petite maison où vit un enfant. Il parvient à établir un dialogue avec lui et une relation s'ébauche dans la correspondance parfaite des deux personnages. Cette correspondance offre au narrateur l'occasion d'un finale inattendu.
La petite lumière sera comme une luciole pour les lecteurs qui croient encore que la littérature est une entreprise dont la portée se mesure dans ses effets sur l'existence.
Une femme, mère au foyer, vit son quotidien dans sa cuisine. L'âge est venu, elle a surmonté un cancer, et dans sa tête elle rumine le monde, ses folies, les fusillades dans les écoles, la crise économique et écologique, la pauvreté, les tâches domestiques, le patriarcat, sa mère décédée. Ça nous parle, au plus profond, de tout, partout.
Une apnée littéraire qui réussit à toucher l'universel par le biais du plus intime. Un magnifique portrait de femme, de toutes les femmes.
Barcelone, 1980. Le jeune Óscar a l'habitude de s'échapper du collège où il est pensionnaire lorsqu'un jour, il rencontre Marina, une jeune fille qui va briser la solitude de ses escapades quotidiennes. Intrigués par une femme se recueillant régulièrement devant une tombe anonyme flanquée d'un papillon noir d'un cimetière oublié, les deux amis décident de la suivre et de mener l'enquête. D'un effrayant théâtre abandonné aux vestiges de la cité souterraine de Barcelone, Óscar et Marina vont faire ressurgir une vieille tragédie et réveiller les fantômes du passé.
Voici le dernier volet du Buru Quartet, la fin prodigieuse de l'histoire que « Pram» racontait à ses compagnons de détention sur l'île de Buru.
Comme le maître des marionnettes dans un théâtre d'ombres, Pangemanann est chargé par le Gouverneur des Indes néerlandaises de surveiller et contrecarrer les activités de Minke : faire cesser ses appels au boycott, son syndicat et son journal.
D'abord tiraillé par sa conscience face à un homme qu'il admire, Pangemanann ne s'embarrasse bientôt plus de scrupules. Espionnage, intimidation, arrestations, attentats : tout est bon pour détruire Minke et son oeuvre. Mais les enjeux de cette lutte pourraient bien dépasser Pangemanann, qui ressemble de plus en plus au double obscur de Minke...
Réédition en poche du journal d'Adel Tincelin, écrit au fil des mois, dans lequel il livre un récit sensible et subjectif de son parcours de transition. Au-delà des transformations liées à son identité de genre, tous les domaines de son existence se trouvent pris dans un mouvement de mutation et d'expansion : rapport au monde et aux mots, sexualité, parentalité, rien n'échappe à ce chemin de déconditionnement et de désidentification aussi soudain qu'inattendu.
Le narrateur, écrivain, a trouvé un travail idéal dans un village de Provence : gardien d'un monastère inhabité, niché dans les collines. Il s'y installe avec pour seule compagnie un petit chat nommé Solex. Un soir, en débroussaillant l'ancien cimetière des moines, il déterre une jambe humaine fraîchement inhumée. Mais quand il revient avec les gendarmes, la jambe a disparu... Qui a été tué? Et par qui?
L'enquête mènera, par des chemins détournés, à des vérités inattendues. Entre-temps, nous aurons traversé les paysages de l'arrière-pays provençal, peints avec sensualité par René Frégni. Sa langue forte et lumineuse communique son émerveillement face à toutes les formes de vie et de plaisir. L'intrigue policière souligne l'âpreté de ces forêts et vallons sauvages et donne tout son rythme au récit, jusqu'au dénouement.
« Le ciel était gris, il neigeait légèrement et paisiblement, il n'y avait pas un bateau en mer, mais sans cesse le bruit des oiseaux et les cris qui venaient de l'intérieur d'elle-même. » Novembre 1944. Le MS Rigel, qui transporte des troupes allemandes et des prisonniers russes, est coulé au nord de la Norvège. L'un des naufragés échoue sur les rives de Barrøy, une petite île déserte où vit Ingrid. Cachant sa présence à l'occupant, la jeune femme le soigne et l'arrache à la mort. Tous deux vont s'aimer dans l'intimité des longs mois d'hiver. Mais la guerre finit par les rattraper...
Après le succès des Invisibles, Roy Jacobsen met en scène, avec une force et une poésie rares, une histoire d'amour et de survie dans ce lieu hors du temps que vient troubler l'Histoire.
Après la mort de son oncle Margido, Torun se consacre corps et âme à la modernisation de l'entreprise de pompes funèbres sans pour autant négliger la ferme familiale où elle règne désormais seule. Sa petite routine est cependant interrompue par deux événements : Erlend et Krumme, accompagnées de leurs enfants et de leurs mères porteuses, ont décidé de rendre une visite à l'ancienne demeure familiale ; par ailleurs, depuis peu, le nouveau pasteur de la région semble éprouver un intérêt tout particulier pour la jeune propriétaire de la ferme.
Mais, comme souvent chez les Neshov, ces premiers signes ne sont que les doux annonciateurs des chamboulements à suivre.
Ida, Parka et Maya sont trois femmes d'une même famille qui vont chacune devoir affronter les tourments de la condition humaine.
Ida, tout d'abord, qui, après un accident de voiture en pleine nuit, trouve refuge chez un vieux couple. Près de leur maison, elle découvre une grange servant de mouroir à des animaux malades. Elle songe alors à sa propre fin, inéluctable.
Sa mère, Paraskewia, dite Parka, est une Ukrainienne exilée en Pologne. Son mari vient de mourir, il neige, leur maison est coupée du monde. Elle met plusieurs jours à tracer sur le flanc de la montagne un message pour ceux d'en bas, en lettres immenses : « Petro est mort ! » Ce faisant, elle déroule en pensée le fil de son existence.
Enfin, Maya, la fille unique d'Ida, séjourne en Malaisie avec son garçon de onze ans. Elle est censée y préparer un guide touristique, mais ce voyage est aussi une fuite pour tenter d'oublier une blessure intime.
Le destin d'une famille de Crimée, de ses membres hauts en couleur, avec pour trame de fond l'histoire de l'URSS jusqu'aux années 1980. Au centre, l'humble figure de Médée, celle qui tient et rassemble autour d'elle. Médée Mendès est un personnage féminin superbe dans sa simplicité, terriblement doux dans sa force, et d'une complexité que seule connaissent les nuits solitaires.
Malgré sa stérilité, elle est un centre mystérieux autour duquel gravite une immense famille aux destins parfois tragiques. Les chapitres égrènent le présent et le passé de cette femme vieillissante et de ses nombreux neveux et nièces. Entourée par les mille et une vies de sa descendance qu'elle maintient par la seule force de son existence, l'humble Médée est le témoin privilégié de toutes les vicissitudes tant familiales qu'historiques.
Quinze ans après les événements racontés dans La Servante écarlate, roman dystopique désormais culte, le régime théocratique de la République de Galaad a toujours la mainmise sur le pouvoir, mais certains signes ne trompent pas : il est en train de pourrir de l'intérieur. À ce moment crucial, les vies de trois femmes radicalement différentes convergent, avec des conséquences potentiellement explosives.
Avec Les Testaments, Margaret Atwood poursuit l'histoire de Galaad dans un savant mélange de suspense, de vivacité et de virtuosité.
Martin Brady, jeune Américain, se cache depuis son adolescence au Mexique après avoir tué l'assassin de son père. «Pistolero» au service de deux frères mexicains riches et voyous, sa vie bascule quand une blessure le retient à El Paso, ville américaine jouxtant le Mexique. Au moment où les luttes de pouvoir des deux côtés de la frontière se déchaîneront, Brady, éternel étranger, sera tiraillé entre les belligérants et aura des décisions importantes à prendre. Un grand western, illustré de dessins de l'auteur, jamais traduit en français et dont l'adaptation cinématographique de Robert Parrish connut un immense succès.
Pour échapper, le temps d'un dimanche, à sa propre famille, Albert s'incruste au baptême de Franny, la fille d'un vague collègue, et succombe à la beauté renversante de sa mère, Beverly. Quelques années plus tard, Albert et Beverly se marient. Chaque été, leurs enfants se retrouvent tous chez eux, en Virginie, formant une petite tribu avide de liberté, prête à tout pour tromper l'ennui. Mais un drame fait voler en éclats le rythme et les liens de cette fratrie recomposée. Un roman somptueux qui accompagne sur cinq décennies des personnages lumineux, extraordinairement attachants.
« Il les vit tellement seuls au monde, il les reconnut dans le caprice de Dieu et dans la violence sans remède de la nature, prisonniers du rêve sans mystère des enfants du Borgo Vecchio. » Mimmo et Cristofaro sont amis à la vie à la mort. Ils grandissent dans un quartier misérable de Palerme, parmi les parfums de la mer, le marché aux balances truquées et les venelles tortueuses où la police n'ose pas s'aventurer. Le soir, tandis que Cristofaro pleure sous les coups paternels, Mimmo cherche à apercevoir Celeste, qui patiente sur le balcon quand sa mère reçoit des hommes. Tous les trois partagent le même rêve : avoir pour père Totò, voleur insaisissable et héros du Borgo Vecchio. Lui seul possède un pistolet, dont Mimmo voudrait bien se servir pour sauver Cristofaro d'une mort certaine...
Violence et beauté se mêlent au coeur de ce roman envoûtant, qui nous tient en haleine jusqu'au grand final.
Les Farel forment un couple de pouvoir. Jean est un célèbre journaliste politique français; son épouse Claire est connue pour ses engagements féministes. Ensemble, ils ont un fils, étudiant dans une prestigieuse université américaine. Tout semble leur réussir. Mais une accusation de viol va faire vaciller cette parfaite construction sociale. Le sexe et la tentation du saccage, le sexe et son impulsion sauvage sont au coeur de ce roman puissant dans lequel Karine Tuil interroge le monde contemporain, démonte la mécanique impitoyable de la machine judiciaire et nous confronte à nos propres peurs. Car qui est à l'abri de se retrouver un jour pris dans cet engrenage?
Paris, 1950. Eliza Donnelley se cache dans un hôtel modeste sous le nom de Violet Lee. Elle a brusquement abandonné les beaux quartiers de Chicago, un mari fortuné et son petit garçon, n'emportant qu'une valise, son Rolleiflex et une photo de son fils.
Dans un Paris qui retrouve la lumière après les années grises, Violet tente de se réinventer. À travers l'objectif de son appareil photo, elle apprivoise la ville, saisit les visages des humbles, des invisibles. Et, découvrant une indépendance nouvelle, elle se laisse traverser par le souffle d'une passion. Mais comment supporter d'être traquée, déchirée par la douleur de l'exil ? Et surtout, comment se pardonner l'abandon d'un fils ?